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Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/330

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dans leurs courses pédestres en vue de recueillir aux vraies sources les légendes allemandes, ont entendu répéter ces deux autres contes symboliques :


l’aumone détournée

Dans un très-vieux château bordant la forêt Noire,
Un soir que l’on contait plus d’une sombre histoire,

Nous étions encor là lorsque sonna minuit
Tout à coup par la porte, un bel enfant, sans bruit,

Entra vêtu de blanc : on aurait dit un ange,
N’eût été son air triste et sa pâleur étrange.

D’un pas égal et lent dans la salle il passa,
Ouvrit le cabinet du fond et s’y glissa.

L’enfant revint ainsi les deux nuits qui suivirent,
Et ces deux fois encor mes regards seuls le virent,

À la troisième fois, me levant curieux,
J’ouvris le cabinet et j’y plongeai les yeux.

Près du foyer, l’enfant, pour soulever les planches,
Meurtrissait, mais en vain, ses petites mains blanches.

Je fis un pas… Soudain la forme disparut.
Je racontai le fait ; nul d’abord ne le crut ;

Mais lorsque j’eus dépeint ses traits, ses yeux, son âge,
Je vis autour de moi pâlir plus d’un visage.

— Ah ! c’est mon pauvre enfant mort l’automne dernier !
Cria la mère. Et tous de pleurer et crier.

— Mais quel remords ainsi tourmente sa chère âme ?
Rendez-lui, doux Jésus, le repos qu’il réclame.