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avons fait comme ces historiens consciencieux et prolixes qui, avant d’entrer dans le cœur de leur sujet et de commencer leur narration principale, s’amusent d’abord à décrire le terrain où s’entrechoqueront bientôt les événements et les batailles. Ne dirais-je pas plus justement que j’ai suivi l’exemple du Chaperon rouge, m’attardant à poursuivre des papillons et à cueillir les fleurs du sentier ? Mais aussi quel pays plus charmant vous inviterait à faire l’école buissonnière ?

C’est en 1846 que j’ai fait la connaissance de M. Kinkel alors professeur adjoint de l’université de Bonn, et celle de M. Wolfgang Müller, à cette époque médecin de Dusseldorf. La physionomie diversement intelligente et expressive de ces deux hommes est restée gravée dans mon souvenir ; et maintenant que j’évoque leurs noms, je crois les voir, je crois les entendre encore, le premier avec ses cheveux noirs brillants, avec son regard prompt à s’enflammer, son heureux don d’improvisation et de timbre musical ; le second avec sa blonde chevelure, ses yeux d’un azur grisâtre, comme ce ciel voilé par les brumes du Rhin, et son enthousiasme candide qui s’adaptait si bien à toute sa personne ; tous les deux jeunes, grands, beaux et pleins d’avenir.

Je crois les voir et les entendre encore. À Bonn, Kinkel, qui vivait alors avec Kaufmann dans le cercle de Simrock, brillait de toute la gloire de ses nouveaux grades récemment conquis à la faculté philosophique. Son cours d’histoire asiatique et de littérature attirait un auditoire nombreux, où le beau sexe se pressait, comme il le fait en France, au tribunal d’assises,