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L’image lui vient naturellement. Il a chanté l’amour avec feu, peut-être un peu à la manière païenne ; sa forme est classique, comme celle de Kinkel, qui, comme Kaufmann, n’abuse pas non plus du sentiment : il y aurait plutôt, chez l’un comme chez l’autre, une retenue, une certaine pudeur de se livrer sous ce rapport, qui tournerait parfois à la sécheresse. Suivant moi, il est avant tout un humoriste. J’en donne pour exemple cette ballade dont les Moines du Johannisberg ont fourni le sujet :


Le brave abbé de Fulde vint un jour pour s’assurer par lui-même si sur le Johannisberg les vignes fleurissaient bien.

Les grappes commençaient déjà à briller d’un éclat brun doré. Le moine invita tout le couvent à une soirée de dégustation.

Il dit : — Le prochain automne va sûrement nous combler de bénédictions ; un tonneau de plus ou de moins, nous n’avons pas besoin de nous inquiéter.

Qu’on apporte ici, à grands seaux, le vin de la grande tonne ! Mais, arrêtez ; avant de commencer à boire, prenez vos bréviaires, mes frères, pour réciter une courte oraison.

Nos bréviaires ! — Oui, vos bréviaires. Ils se crurent perdus. Ils cherchent, cherchent en vain. — Laissez-les donc, dit le moine, et mettons-nous à boire !

Qu’on apporte les bouteilles ! Par Dieu ! voilà qui s’appelle avoir peu de mémoire ! n’ai-je pas oublié chez moi mon tirebouchon ; quel ennui !

Un tire-bouchon ? Et en un clin-d’œil, toutes les poches sont fouillées, et l’on se trouve avoir plus de tire-bouchons encore que de bouteilles.

Bravo ! mes pieux frères ! l’incident me paraît gai. Je reconnais bien là les vrais soldats du Seigneur ! Eh ! mais, pourquoi ces regards inquiets ? Ni soucis, ni bile aujourd’hui : de-