Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/80

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complètes, soit à l’état de fragments, remontent en général aux premiers siècles de l’ère chrétienne, au temps des migrations des races germaniques. Elles se croisent et se mêlent en tous sens, comme les essaims confus de ces peuples venus du Nord, et qui, après avoir renversé le colosse romain, devaient former les nations modernes. Ces traditions, que la poésie nomme à bon droit héroïques, où l’histoire, qui ne doit faire sa gerbe que de dates et d’événements précis, aurait peine à glaner des inductions suffisamment plausibles, ces traditions, précieuses pourtant pour l’historien, en ce qu’à défaut de la lettre morte elles renferment l’âme et les passions d’une époque où tant de grandes choses se sont accomplies et préparées ; ces traditions, dis-je, long-temps trop oubliées ou trop négligées en Allemagne, dont elles avaient été d’abord toute la poésie, toute l’histoire et tout l’orgueil, ont reconquis aujourd’hui au-delà du Rhin le culte et l’attention qu’elles méritent. Depuis trente ans que, mus par un louable sentiment de nationalité, des hommes tels que les Schlegel, les Van der Hagen, les Grimm, les Lachmann, se sont mis à l’œuvre, un immense travail de critique a été entrepris, d’où l’on a vu sortir, comme autant de statues et de tronçons précieux sous la pioche de mineurs intelligents, les fragments épars des vieilles épopées de l’Allemagne.

Ce travail qui se poursuit sans relâche, encouragé qu’il est chaque jour par de nouvelles découvertes, arrivera peut-être enfin à reconstruire dans son ensemble le vaste monument des traditions épiques de l’Allemagne, symbole non moins expressif de son unité nationale que cette cathédrale de Cologne où