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Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/125

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« … de partir avec vous… pour Tunis… »

— « Comme ça ? Tout seuls ? » fit le bonhomme, en clignant des paupières. Dans l’expression de son œil sanguin, quelque chose d’entreprenant et d’un peu fou allait plus loin que ses paroles.

Daniel n’avait plus d’autre issue que de continuer les mensonges convenus,

— « Nous étions venus à Marseille pour retrouver notre père ; mais on lui a offert une place à Tunis, dans une rizière, et… il nous a écrit de le rejoindre. Mais nous avons de quoi vous payer notre voyage », ajouta-t-il de son chef ; et il n’eût pas plutôt cédé à son inspiration qu’il comprit que cette offre n’était pas moins maladroite que le reste.

— « Bon. Mais ici, chez qui habitez-vous ? »

— « Chez.., chez personne. Nous arrivons de la gare. »

— « Vous ne connaissez personne à Marseille ? »

— « N… non. »

— « Et alors vous voulez embarquer ce soir ? »

Daniel fut sur le point de répondre non, et de déguerpir. Il bredouilla :