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Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/127

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Un quart d’heure après, à bout de souffle, seul dans la rue déserte d’un faubourg, il s’arrêta. Il eût d’abord une mauvaise joie en imaginant que Daniel avait pu être rattrapé ; c’eût été bien fait : n’était-ce pas de sa faute si leur plan avait échoué ? Il le haïssait et fut sur le point de gagner la campagne, de fuir seul, sans plus s’occuper de lui. Il acheta des cigarettes et se mit à fumer. Pourtant, par un grand détour à travers un quartier neuf, il finit par revenir du côté du port. Le La Fayette était toujours immobile. Il vit de loin que les trois étages des ponts étaient chargés de figures serrées les unes contre les autres ; le navire appareillait. Il grinça des dents, et tourna les talons.

Alors il se mit à la recherche de Daniel pour passer sur quelqu’un sa colère. Il enfila des rues, déboucha sur la Cannebière, se glissa un instant dans la cohue, revint sur ses pas. Une chaleur d’orage, suffocante, pesait sur la ville. Jacques était baigné de sueur. Comment rencontrer Daniel parmi tous ces gens ? Son désir de retrouver son camarade devenait de plus en plus impé-