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Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/205

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Alors, à bout de forces, il poussa un gémissement de bête au piège, et se rua sur son lit, s’arcboutant des pieds au bois, les membres secoués de colère impuissante, mordant l’oreiller pour étouffer ses cris : il lui restait juste assez de conscience pour vouloir priver les autres du spectacle de son désespoir.



Dans la soirée, Daniel reçut le billet suivant :


« Mon ami,

« Mon Amour unique, la tendresse, la beauté de ma vie !

« Je t’écris ceci comme un testament.

« Ils me séparent de toi, ils me séparent de tout, ils vont me mettre dans un endroit, je n’ose pas te dire quoi, je n’ose pas te dire où ! J’ai honte pour mon père !

« Je sens que je ne te reverrai jamais plus, toi mon Unique, toi qui seul pouvais me rendre bon.

« Adieu, mon ami, adieu !

« S’ils me rendent trop malheureux et trop méchant, je me suiciderai. Tu leur diras