Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/21

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— « Passer la nuit dans cette inquiétude ! » reprit-il à haute voix. « C’est dur, M. l’abbé, c’est dur, pour un père, de traverser des heures comme celles-ci. »

Il se dirigeait vers la porte. L’abbé tira les mains de sous sa ceinture.

— « Permettez », fit-il, en baissant les yeux.

Le lustre éclairait son front à demi-mangé par une frange noire, et son visage chafoin, qui s’amincissait en triangle jusqu’au menton. Deux taches roses parurent sur ses joues.

— « Nous hésitions à vous mettre, dès ce soir, au courant d’une histoire de votre garçon, — toute récente d’ailleurs, — et bien regrettable… Mais, après tout, nous estimons, qu’il peut y avoir là quelques indices… Et si vous avez un instant. Monsieur… »

L’accent picard alourdissait ses hésitations. M. Thibault, sans répondre, revint vers sa chaise et s’assit lourdement, les yeux clos.

— « Nous avons eu, Monsieur », poursuivit l’abbé, « à relever ces jours derniers contre votre garçon des fautes d’un caractère particulier… des fautes particulière-