Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/56

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taine. Sensible au muet appel de l’hérétique, il se hâta d’intervenir :

— « Tout le monde ici, Madame, comprend combien cet entretien est douloureux pour vous. La confiance que vous avez en votre fils est infiniment touchante… Infiniment respectable… », ajouta-t-il ; et son index, par un tic qui lui était familier, se leva jusqu’à ses lèvres sans qu’il cessât de parler, « Mais cependant, Madame, les faits, hélas… »

— « Les faits », reprit l’abbé Binot avec plus d’onction, comme si son confrère lui eût donné le la, « il faut bien le dire, Madame : les faits sont accablants. »

— « Je vous en prie. Monsieur », murmura Mme  Fontanin, en se détournant.

Mais l’abbé ne pouvait se retenir :

— « D’ailleurs, voici la pièce à conviction », s’écria-t-il, laissant choir son chapeau, et tirant de sa ceinture un cahier gris à tranches rouges, « Jetez-y seulement les yeux, Madame : si cruel que cela soit de vous enlever toute illusion, nous estimons que cela est nécessaire, et que vous serez édifiée ! »

Il avait fait deux pas jusqu’à elle, pour