Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/68

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de Mme Petit-Dutreuil se figea. Mme de Fontanin tenait toujours sa main : « Ne réponds rien. Je ne te fais pas de reproche : c’est lui, sans doute… Je sais bien comment il est… » Elle s’interrompit une seconde ; le souffle lui manquait. Noémie n’en profita pas pour se défendre, et Mme de Fontanin lui fut reconnaissante de ce silence, non qu’il fût un aveu, mais parce qu’il prouvait qu’elle n’était pas assez rouée pour parer sur-le-champ un coup si brusque. « Écoute-moi, Noémie. Nos enfants grandissent. Ta fille…. Et moi aussi mes deux enfants grandissent, Daniel a quatorze ans passés. L’exemple peut être funeste, le mal est si contagieux ! Il ne faut plus que ça dure, n’est-ce pas ? Bientôt je ne serais plus seule à voir… et à souffrir. » Sa voix essoufflée devint suppliante : « Rends-le nous maintenant, Noémie. »

— « Mais, Thérèse, je t’assure… Tu es folle ! » La jeune femme se ressaisissait ; ses yeux devinrent rageurs, ses lèvres se pincèrent : « Oui, vraiment, es-tu folle, Thérèse ? Et moi qui te laisse parler, tant je ouis abasourdie ! Tu as rêvé ! Ou bien on t’a monté la tête, des potins ! Explique-toi ! »