Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/139

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eut un instant cette expression fatale que prenait fréquemment celui d’Antoine. « Si jusqu’ici je n’ai été qu’un pauvre orgueilleux, est-ce que Dieu ne m’offre pas justement aujourd’hui une occasion de… de réparer ? » Il hésita et parut lutter contre lui-même. Il luttait, en effet. L’abbé lui vit esquisser avec le gras du pouce un rapide signe de croix sur son gilet, à la place du cœur. « Je veux dire cette candidature, vous comprenez ? Il y aurait bien vraiment sacrifice, et sacrifice d’orgueil, puisque vous m’avez annoncé ce matin que l’élection était certaine. Eh bien, je… Tenez, il y a encore de la vanité là-dedans : est-ce que je ne devrais pas me taire et faire ça sans en parler, même à vous ? Mais tant pis. Eh bien, l’abbé : je fais le serment de retirer demain et pour toujours ma candidature à l’Institut. »

L’abbé fit un geste des mains que M. Thibault ne vit pas, car il s’était tourné vers le crucifix suspendu à la muraille.

— « Mon Dieu », murmura-t-il, « ayez pitié de moi car je ne suis qu’un pécheur. »

Il mit dans ce mouvement un reste de suffisance qu’il ne soupçonnait pas lui-