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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/151

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— « J’ai voyagé toute la nuit, c’est ça qui donne un peu froid… »

— « Voyagé ? D’où viens-tu donc ? »

— « De Bruxelles. »

— « De Bruxelles, mon Dieu ! Et seule ? »

— « Oui », articula la jeune fille. Son accent suffisait à prouver la fermeté de sa détermination. Mme de Fontanin saisit sa main.

— « Tu es gelée. Viens dans ma chambre. Veux-tu te coucher, dormir ? Tu m’expliqueras plus tard. »

— « Non, non, tout de suite. Pendant que nous sommes seules. D’ailleurs je n’ai pas sommeil. Je vous assure, laissez-moi. »

On était encore au début d’avril. Mme de Fontanin alluma le feu, enveloppa la fugitive dans un châle et l’assit de force près de la cheminée. L’enfant résistait, puis cédait, agacée, avec deux yeux brillants et fixes, qui ne voulaient pas s’attendrir. Elle consultait la pendule ; elle avait hâte de parler, et maintenant qu’elle était installée, ne se décidait pas à le faire. Sa tante, pour ne pas accroître son malaise, évitait de la regarder. Quelques minutes s’écoulèrent ; Nicole ne commençait pas.