Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/176

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« Les im-bé-ciles… » répéta -t-il sans avoir l’air de songer à ce qu’il disait. Il avait les bras chargés des objets les plus divers, pour chacun desquels il cherchait, d’un œil perplexe, une place appropriée. « Si Jacques voulait être médecin, je l’aiderais, je le guiderais… Deux Thibault médecins… Pourquoi pas ? C’est bien une carrière pour des Thibault ! Dure, mais quelles satisfactions quand on a un peu le goût de la lutte, un peu d’orgueil ! Quels efforts d’attention, de mémoire, de volonté ! Et jamais au bout ! Et puis, quand on est arrivé ! Un grand médecin… Un Philip, par exemple… Pouvoir prendre cet air doux, assuré… Très courtois, mais distant… M. le Professeur… Ah, être quelqu’un, être appelé en consultation par les confrères qui vous jalousent le plus !

« Et moi, j’ai choisi la plus difficile des spécialités, les enfants : ils ne savent pas dire, et quand ils disent, ils vous trompent. C’est bien là, vraiment, qu’on est seul, en tête à tête avec le mal à dénicher… Heureusement, la radio… Un médecin complet, aujourd’hui, devrait être un radiographe, et opérer lui-même. Dès mon doctorat, stage de radio. Et plus tard, à côté de mon