Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/193

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— « Non. »

— « Alors ? Que se passe-t-il donc derrière ce front buté ? Hein ? »

Il vint à l’enfant, et fut sur le point de se pencher jusqu’à lui, de l’embrasser ; mais il ne le fit pas. Jacques leva vers Antoine un œil morne ; il vit que l’autre attendait une réponse :

— « Pourquoi me demandes-tu tout ça ? » fit-il. Et après un léger frisson, il ajouta, très bas : « Qu’est-ce que ça peut faire ? »

Il y eut un court silence. Antoine enveloppait son cadet d’un regard si compatissant, que Jacques eut de nouveau envie de pleurer.

— « Tu es comme un malade, mon petit », constata Antoine sur un ton attristé. « Mais cela passera, aie confiance. Laisse-toi seulement soigner… Aimer », ajouta-t-il avec timidité, sans regarder l’enfant. « Nous ne nous connaissons pas bien encore. Songe donc, neuf ans de différence, c’était un abîme entre nous, tant que tu étais un enfant. Tu avais onze ans quand j’en avais vingt ; nous ne pouvions rien mettre en commun. Mais maintenant ce n’est plus du tout la même chose. Je ne sais même pas si je