Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/203

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que tous les êtres obligés de vivre à son foyer se réfugiaient silencieusement derrière un masque. Mademoiselle elle-même, en dépit de son admiration béate, lui dissimulait sans cesse sa véritable figure. M. Thibault jouissait de ce silence déférent, qui laissait libre cours à son besoin d’imposer ses jugements, et qu’il confondait naïvement avec une approbation générale. Vis-à-vis de Jacques, il se tenait sur une grande réserve ; et, fidèle à ses engagements, ne l’interrogeait jamais sur l’emploi de son temps.

Il y avait un point, cependant, sur lequel M. Thibault s’était montré intraitable : il avait formellement interdit toutes relations avec les Fontanin ; et, par surcroît de sécurité, il avait décidé que Jacques ne paraîtrait pas cette année à Maisons-Laffitte, où M. Thibault allait s’installer chaque printemps avec Mademoiselle, et où les Fontanin possédaient également une petite propriété, en bordure de la forêt. Il fut convenu que Jacques resterait cet été-là à Paris, comme Antoine.

L’interdiction de revoir les Fontanin fut l’objet d’un sérieux entretien entre Antoine et son frère. Le premier cri de Jacques fut