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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/226

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Jacques lui tint tête par un signe très affirmatif.

— « Sans m’en parler ? »

— « Et puis après ? » fit l’autre.

Antoine faillit se lever pour gifler l’impertinent. Il serra les poings. La tournure du débat risquait de compromettre ce à quoi il tenait le plus.

— « Va-t’en », prononça-t-il sur un ton qui feignait le découragement. « Ce soir, tu ne sais plus ce que tu dis. »

— « Je dis… Je dis que j’en ai assez ! » cria Jacques en tapant du pied. « Je ne suis plus un enfant. Je veux fréquenter qui bon me semble. J’en ai assez de vivre comme ça. Je veux voir Fontanin, parce que Fontanin est mon ami. Je lui ai écrit pour ça. Je sais ce que je fais. Je lui ai donné rendez-vous. Tu peux le dire à… à qui tu voudras. J’en ai assez, assez, assez ! » Il trépignait ; et rien ne subsistait plus en lui, que haine et révolte.

Ce qu’il ne disait pas, ce qu’Antoine ne pouvait guère deviner, c’est qu’après le départ de Lisbeth, le pauvre gamin s’était senti le cœur si vide et tout à la fois si lourd, qu’il avait cédé au besoin de confier à un être jeune le secret de sa jeunesse ; bien plus :