Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/277

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Elle répondit posément :

— « Je veux bien rester, j’ai à vous parler. Mais ouvrez le loquet. »

— « Non, Jenny va venir. »

Elle hésita, puis :

— « Alors, jurez-moi que vous ne me toucherez plus. »

Il eut envie de sauter sur elle, de la bâillonner avec son poing, de déchirer son corsage ; en même temps, il se sentit vaincu.

— « Je le jure », dit-il.

— « Eh bien, alors, écoutez-moi, Daniel. Je… Je vous ai laissé aller beaucoup, beaucoup trop loin. J’ai eu tort ce matin. Mais, cette fois, je dis non. Ce n’est pas pour en arriver là que je me suis sauvée. » Elle avait prononcé ces derniers mots, vite et pour elle seule. Elle reprit, pour Daniel : « Je vous confie mon secret : je me suis sauvée de chez maman. Oh, contre elle, il n’y a rien à dire : elle est seulement très malheureuse… et entraînée. Je ne peux pas vous en dire davantage. » Elle fit une pause. L’image exécrée de Jérôme restait devant ses yeux. Le fils ferait d’elle ce qu’elle pensait que Jérôme avait fait de sa mère. « Vous ne me connaissez pas bien », reprit-elle hâtivement, car le