Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/282

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— « Excuse-moi », fit-il tout à coup, en poussant Jacques dans l’embrasure de la fenêtre, avec un air humble et si bon, que Jacques, oubliant tous ses déboires, se sentit de nouveau soulevé par un élan de sa tendresse passée. « Aujourd’hui, ça tombait si mal… Quand te reverrai -je ? » continua Daniel d’une voix pressante. « Il faut que je te voye seul, longuement. Nous ne nous connaissons plus bien. Ce n’est pas extraordinaire, toute une année, pense donc ! Mais il ne le faut pas. »

Il se demanda soudain ce qu’allait devenir cette amitié, que, depuis si longtemps, rien n’alimentait plus, rien qu’une fidélité mystique dont ils venaient d’éprouver la fragilité. Ah, il ne fallait pas laisser dépérir ça ! Jacques lui paraissait un peu enfant ; mais son affection pour lui restait entière, et, qui sait ? plus vive peut-être de se sentir ainsi l’aînée.

— « Nous restons chez nous tous les dimanches », disait, au même moment, Mme  de Fontanin à Antoine. « Nous ne quitterons Paris qu’après la distribution des prix. » Ses yeux s’éclairèrent. « Car Daniel a des prix », chuchota-t-elle, sans dissimuler son