Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/88

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Antoine écoutait ; la curiosité d’en apprendre davantage étouffait pour l’instant sa pitié.

— « Et alors ? » fit-il. « Raconte donc ! » Jacques s’arrêta net, et vint s’accrocher au bras de son aîné :

— « Antoine, Antoine », cria-t-il, « jure-moi que tu ne diras rien, dis ? Jure-le moi ! Si jamais papa se doutait de quelque chose, il… Papa est bon, tu sais, il serait trop malheureux. Ce n’est pas de sa faute s’il ne comprend pas les choses comme nous… » Et, tout à coup : « Ah, toi, Antoine, tu… Ne me quitte pas, Antoine, ne me quitte pas ! »

— « Mais non, mon petit, mais non, aie confiance, je suis là… Je ne dirai rien, je ferai tout ce que tu voudras. Mais dis-moi la vérité. » Et comme Jacques ne se décidait pas à continuer : « Il te battait ? »

— « Qui ? »

— « Le père Léon. »

— « Oh non ! » Il était si surpris, qu’il ne pût s’empêcher de sourire dans ses larmes.

— « On ne te bat pas ? »

— « Oh non ! »

— « Bien vrai ? Jamais, personne ? »