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n’en fais aucun compte. Je n’ai pas voulu me plaindre à la Compagnie du peu d’attention qu’il a eu à me faire rendre les honneurs qui sont dus à mon poste, qui, après le sien, est le premier dans l’Inde. S’ils n’avaient pas été faits à d’autres qui ne valaient pas mieux que moi, je n’aurais rien à dire. Je te prie d’en lâcher quelque chose à tes amis et à la compagnie. Mon préféré (Dirois) retourne occuper son ancien poste à Pondichéry et emporte avec lui la haine publique. »


Ainsi le premier sentiment de Dupleix avait été de considérer sa nomination au Bengale comme une victoire personnelle sur Lenoir et sur Dirois ; on ne sera pas surpris qu’avec de telles idées ses rapports avec le gouverneur de Pondichéry aient été assez mauvais et soient sortis parfois des bornes d’une stricte correction ; depuis quatre ans déjà ils étaient influencés par de fâcheux souvenirs. Dupleix ne méconnut pas, d’autre part, les services que son frère lui avait rendus dans la circonstance :


« J’ai toujours bien pensé, lui disait-il en la même lettre, que

sans toi je n’aurais rien eu à la Compagnie, encore moins si mon père s’en était mêlé. Il n’est nullement propre à concilier les esprits et pense que la seule droiture doit l’emporter, et d’emblée, sans aucune sollicitude. Ce sentiment était bon dans l’ancienne Rome. Je te remercie donc des peines, des prières, des sollicitations, de l’argent et des déplaisirs que tu as été obligé de souffrir et de faire pour persuader à la Compagnie que ce n’était point une grâce mais une justice qu’elle me rendait. Tu as eu raison de soutenir fort et ferme à la dernière. J’ose avancer, sans trop me flatter, que je la méritais en tout point sur mon préféré[1]. »


Il nous reste maintenant à suivre Dupleix à Chandernagor ; mais avant de faire le voyage, il conviendrait de

  1. B. N., 9357, p. 80 : 8979, p. 13.