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Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 3.djvu/165

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il est aisé de tomber dans les excès, puisque la nation n’est plus retenue par aucun frein[1]. Et quel frein saurait-il y avoir, quand c’est l’or qui est le moteur ?

« La vue de l’or et de l’argent fait ordinairement beaucoup d’effet sur cette nation ; tout est sacrifié pour en avoir, n’importe à quel prix[2] ». — « Comme ces gens ne cherchent que de l’argent, ils le prennent partout où ils le trouvent et ne respectent personne[3] ».

Si l’on ne respecte personne, pourquoi respecterait-on mieux les traités ? Aussi n’ont-ils quelque chance d’être observés que si l’on ne trouve aucun avantage à les enfreindre. Ceux qui sont signés par les rois n’obligent en rien les sujets. Obligent-ils bien les rois euxmêmes ? Avec cette nation il faut toujours se tenir sur ses gardes. Sa bonne foi n’est de mise qu’autant qu’elle peut se concilier avec les intérêts ; il est toujours dangereux de s’y fier[4]. S’il lui plaît de considérer comme non avenu un échange de signatures ou même une parole donnée, c’est un acte dont il ne faut pas lui demander compte ; elle s’enferme alors dans une dignité offensée.

L’histoire, toute l’histoire de l’Angleterre, établit son inaptitude à tenir les engagements qui la gênent.

« Ce qui vient de se passer à Surate le prouve ; ce qui se passe à Mahé depuis trente ans le démontre. Rien n’est respectable pour les Anglais que la force majeure… La prise de deux vaisseaux du roi par l’escadre de Boscawen[5], celle de tous nos

  1. Dupleix au Comte d’Argenson, 15 oct. 1752. A. Vers. 3749, f° 43).
  2. Dupleix à Latouche, 4 avril 1750. A. Vers. 3746, f° 43.
  3. Dupleix à Iman Sahib après la prise du Mahmet Cha en 1745. B. N. 9159, p. 383.
  4. Mémoire de 1759, p. 135-136. — Lettre à Saunders du 18 février 1752.
  5. Il s’agit de la capture en pleine paix de l’Alcide et du Lys sur les côtes de l’Acadie, en juin 1755.