avec eux la foi des traités et que nous ne manquons à aucun de nos engagements ? Lorsqu’ils se sont emparés par force ou par surprise de Devicotté, de Tirouvadi, de Chinglepet… et enfin, pendant la trêve[1], des royaumes de Maduré et de la province de Tinnivelly, ont-ils craint d’exciter notre jalousie ? Lorsqu’ils se sont mis en possession des îles de Negrailles à l’embouchure de la rivière de Syriam dans le Pégou, seul endroit que nous eussions pour la construction ou le radoub de nos vaisseaux, ont-ils eu peur de nous déplaire ? Moins ils nous ménagent tous les jours et dans toutes les occasions, et plus ils acquièrent le droit et les moyens de nous ménager encore moins. »
Dupleix n’était pas d’avis d’accepter sans réagir ces procédés de pur sans-gêne. Rien n’interdit de combattre un rival avec ses propres armes. Bien que, suivant l’expression d’un écrivain anglais contemporain[2], « il n’y ait pas d’Anglais capable de se dépouiller de l’idée que les étrangers comparés à lui-même appartiennent à un ordre inférieur de la création », nul n’est obligé de reconnaître cette infériorité. Les races sont différentes ; aucune n’est supérieure. La volonté les distingue plus que l’intelligence ; sommes-nous un peuple sans décision ?
« Cette nation, écrit Dupleix, que l’on dit celle de l’Europe qui réfléchit le mieux, ne pense pas que la crainte de causer de la jalousie à ses voisins doive l’arrêter dans ses projets. Elle va en avant sans s’en inquiéter ; pourquoi nous serait-il défendu de suivre son exemple ? Nous pouvons et valons autant et plus qu’elle ; ne pourrions-nous pas agir de même[3] ? »
Par cette simple interrogation, Dupleix posait tout le problème de la politique française vis-à-vis de l’Angleterre