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Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 3.djvu/231

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suffi pour le renseigner sur la nature de son esprit et de ses sentiments. Bien qu’il eut quinze ans de moins que Dupleix, Saunders était doué de cette insensibilité spéciale qui, devançant l’œuvre des années, donne à certains hommes politiques la force nécessaire pour opposer un front serein à toutes les mauvaises fortunes et à tous les inconvénients de l’amour-propre. D’ailleurs Saunders n’avait pas qualité pour trancher à lui seul les questions de principe ou de politique générale que Dupleix se plaisait à soulever ; la décision était en Europe et appartenait aux ministres et aux deux compagnies.

Aussi bien est-ce à ces autorités que Dupleix prétendait en réalité s’adresser. Il n’écrivit à Saunders une lettre aussi longue que pour leur fournir ses raisons de justifier son intervention dans les affaires de l’Inde et de condamner celle des Anglais. Il sentait que du jugement porté en Europe pouvait dépendre le sort de ses projets ; suivant l’impression produite, il serait ou désavoué ou soutenu.

Convaincre les ministres et la Compagnie de France était peut-être moins malaisé qu’il ne semblait, si le succès continuait. Dupleix y employa tous ses soins ; il n’écrivit pas seulement à la Compagnie, mais encore à Machault, à Montaran, en leur signalant toute l’importance de la lettre à Saunders. « Cette pièce nécessaire et curieuse, disait-il, vous mettra au courant de bien des choses qu’il faut que la nation sache… Tout y est soutenu par des pièces authentiques et les faits sont connus de toute l’Inde. » (Lettres du 19 février. A. V. 3749, fos 14 à 19).

Il les priait en même temps — et c’est là tout le secret de sa lettre, — de la communiquer, s’ils le jugeaient bon, à la Compagnie d’Angleterre et, pour éviter toute perte de temps, il en envoya aux syndics et directeurs un exem-