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Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 3.djvu/257

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craignait-il de s’attacher à une cause perdue d’avance. Dans ce cas, loin de tirer le moindre profit de sa médiation, il risquait de se brouiller avec les Anglais et de perdre leurs subsides. Tout lui conseillait la réserve, au moins pour le moment.


Le calcul n’était pas faux. Après les heures d’angoisse, les heures tragiques allaient sonner pour nous. D’Auteuil avait eu beau se retirer à Valconde, — en réalité à Ranjangoudy, qui est à trois milles au nord[1] ; Clive entendit le déloger encore de ce poste, bien qu’il ne fût plus guère une menace pour les Anglais. Le 9 juin, il arriva donc en vue de Ranjangoudy. D’Auteuil fit mine de vouloir lui barrer le chemin, mais soit timidité naturelle soit infériorité numérique véritable, il n’osa, tout comme Law, engager la bataille et préféra se replier. Le fort de la place lui offrait une retraite et une défense, mais le gouverneur d’accord avec les Anglais ne voulut pas l’y recevoir, et le malheureux d’Auteuil, pris en quelque sorte entre deux feux, n’eut plus d’autre ressource que de se rendre avec toutes ses troupes. On lui fit 53 européens prisonniers, dont 3 officiers, 300 cipayes et autant de cavaliers. Suivant l’usage, d’Auteuil fut aussitôt remis en liberté, après avoir promis de ne plus servir contre les Anglais durant cette guerre et il put retourner à Pondichéry.

Dupleix ne récrimina point contre le nouveau malheur qui le frappait ; à quoi bon se raidir contre les faits accomplis ? Commentant l’événement dans une lettre du 11 juin, il craignit que cette fâcheuse nouvelle ne décourageât Law tout à fait. Celui-ci venait de lui faire

  1. Valconde est à 17 milles d’Outatour et 34 milles de Trichinopoly.