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Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/45

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LE MUSICIEN DE PROVINCE

et gras. Sa voix déjà très basse se faisait aussi profonde que possible, devenait à certains moments presque sourde. M. Turquey suppléait à cet inconvénient en articulant le plus nettement qu’il pouvait ; alors, sa bouche s’ouvrait par en bas ; son menton osseux se projetait sur sa cravate, découvrait la gencive et des dents qui étaient de la même couleur que la peau du visage.

Tant que Turquey ne parla que d’exportation et de laboratoire, on écouta sinon avec plaisir, du moins attentivement, sa voix caverneuse. Il révélait d’incontestables qualités chez les Allemands, citait de curieux chiffres, mettait bout à bout des arguments et, de temps en temps, lançait devant lui ses mains ouvertes, faisait le geste d’appuyer sur des bornes placées là pour bien délimiter ses admirations.

Sa préoccupation visible était de ne point paraître emballé. Il était de ceux qui ne souffrent guère la contradiction et se croient très modérés. Bergeat qui voulait que M. Grillé prît part à la conversation y parvint facilement avec une allusion à la musique allemande qu’il fit en se tournant vers M. Grillé. Et tout de suite celui-ci usa de bonhomie, fut souriant autant que M. Turquey avait été funèbre. Il essaya de dire la nécessité d’une noblesse de sentiments pour la recherche de la beauté et l’impossibilité qu’a un peuple de se passer d’une culture de la