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Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/58

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LE MUSICIEN DE PROVINCE

nance du capitaine voisin se chargea de donner régulièrement la pitance au palefroi et de temps en temps un coup de plumeau au carrosse.

Chaque jour, on vit, à la porte de l’Académie de musique, le ridicule départ du bizarre attelage.

Que dis-je ? On vit le panier jaune et rouge et le cheval blanc dans tous les quartiers de la ville.

M. Grillé conduisait, droit comme un piquet, les bras écartés, les coudes à hauteur des épaules et son chapeau haut de forme enfoncé sur sa tête, afin que les coups de vent ne pussent causer au cocher improvisé des distractions qui auraient sans doute dégénéré en catastrophes.

Le cheval était maintenu obstinément au pas, ce qui du reste semblait être la seule allure capable de se conformer à sa vieillesse extrême. Le plaid de M. Grillé était plus que jamais nécessaire. Et cela faisait un ensemble voyant, d’un grotesque inimaginable.

Ce n’est pas tout. M. Grillé se remit petit à petit et quelques élèves lui revinrent. Il n’interrompit pas pour cela sa promenade et se servit de sa voiture pour se rendre au domicile de ses élèves.

Mme Grillé prit place à côté de son mari et dut, pendant que se donnaient les leçons, surveiller le cheval qu’on voyait stationner de longues heures, endormi dans les brancards.