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LE MUSICIEN DE PROVINCE

Le père Grillé fut obligé de constater l’insuccès, mais son impression fut moins cruelle que celle que nous avions eue et que nous redoutions pour lui.

En effet, les quelques personnes présentes qui d’abord écoutaient distraitement, s’aperçurent de la nullité du livret et s’étonnèrent très favorablement pour la partition, lorsqu’une phrase musicale ramenait leur attention par sa seule beauté et sa valeur d’art.

M. Grillé en fut flatté. Cela le rendit très indulgent pour ses collaborateurs. Je m’aperçus depuis qu’il ne regretta que la rareté des occasions de semblables aventures et que, sans déplaisir, il eût renouvelé la tentative.

Il ne fut mélancolique que des obligations imposées par la nécessité, rêva de succès possibles, succès d’artiste et succès d’argent que d’autres ni plus instruits ni mieux doués que lui, avaient réalisés au théâtre.

Et il reprit son collier de professeur, avec autant d’étonnement que d’amertume, se demandant comment une même chose, telle que la musique, pouvait causer à la fois un aussi grand plaisir et une existence aussi misérable.