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LE MUSICIEN DE PROVINCE

Le liquide d’un bleu clair coulait sur le vert foncé des feuilles, y faisait des taches, dégoulinait jusque sur le sol et derrière le vigneron qui arrosait, M. Grillé, le nez tourné vers la terre, se figurait qu’il voyait des turquoises, et son imagination lui faisait transformer le paysan en un calife aux inépuisables richesses, qui semait, pour son seul plaisir, de précieuses pierres.

Quelquefois, M. Grillé prenait une ombrelle jaune, apportait un pliant et venait causer avec les travailleurs. Il posait des questions claires et on lui faisait des réponses qu’il trouvait le plus souvent inintelligibles. Les paysans parlaient de leur métier comme d’un ensemble de secrets indivulgables ou ne pouvant se traduire qu’en un langage compliqué.

Leur prononciation augmentait encore les difficultés imposées à M. Grillé qui, après une étude réfléchie, remarqua combien les dispositions musicales de ces hommes étaient contrariantes. Pour dire la terre ils prononçaient la târe et pour dire un billard ils prononçaient un billère.

M. Grillé s’en tint à cette observation, abandonna fréquemment le plateau pour le bois et descendit une fois jusqu’à la Loire. Là il rencontra des pêcheurs et s’en revint stupéfait de leur patience. Mais comme il fallait remonter l’allée de Rûlami, il se sentit très fatigué, arriva