Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/83

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À cette heure, l’immense panorama disparaissait dans la nuit ; une tache rose dans le ciel indiquait la ville dont la rumeur très faible ne parvenait plus jusqu’à Rûlami qu’avec des bouffées de brise.

Mme Muret se retirait un peu après neuf heures ; M. Grillé lui souhaitait une bonne nuit et rentrait aussi.

Certains soirs, Mme Muret qui aimait passionnément les chevaux, faisait sortir de l’écurie Tururu et Croate, deux bêtes superbes, qui mangeaient dans sa main une poignée d’avoine.

Elle disait à Tururu : « Tiens, mignon, tu es content », et à Croate : « Toi, je ne t’aime pas, tu es bête. » Elle se tournait vers l’assistance et reprenait : « N’est-ce pas ? Lui, il est bête ! » Puis revenait à Tururu avec une provision d’avoine et de termes aimables : « Oh ! le beau poulet, oh ! oh ! » Tururu soufflait, allongeait la tête vers la négresse, tirait sur le licol que le cocher maintenait.

Croate impatient piaffait, creusait de ses sabots le sol ratissé, écornait les plates-bandes, laissait de déplorables traces de son passage dans le jardin propre et soigné.

Mme Muret disait encore : « Est-il bête ! » tandis que le cocher, les bras levés, tenait ferme les chevaux que l’ombre apeurait, les reconduisait à l’écurie en criant : « Pull hup ! »

M. Grillé se prêtait complaisamment à la cir-