Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/400

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une visite en grande cérémonie, faisant porter son siège devant lui, qui fût placé au milieu de ma tente. C’étoit un honneur que les princes mogols font rarement, mais il m’en coûta un très beau cheval et d’autres effets que la coutume me mettoit dans l’obligation de lui présenter.

Le prince avoit pour le moins autant de raisons que moi d’être inquiet ; il avoit toujours été très attentif à la conduite d’Hytelrao, et malgré ses belles promesses, il voyoit à n’en point douter que son accomodement avec le vizir seroit conclu sous peu de jours. Qu’alloit-il devenir ? Le Marate ainsi que tout Indien regarde la trahison comme un jeu, honorable même s’il vient à réussir. C’est une politique rafinée à laquelle leurs plus grands hommes ont recours dans le besoin. La perte du prince pouvoit bien être résolue et servir de sçeau au traité. Ces réflexions plus que tout autre chose l’avoient porté à me venir voir.

La tente étoit toute ouverte et l’intérieur exposé à toute l’armée. Après les cérémonies indispensables dans une pareille visite, le prince fit mettre en travers, à deux pas de son siège, une muraille de tente qui servit de perda (entourage), afin de pouvoir me permettre de m’asseoir et me parler à cœur ouvert. La muraille nous déroboit à la vue de l’armée. Il me fit part de ses soupçons sur Hitelrao qui l’avoit trompé, disoit-il, ainsi que moi par l’assurance d’être conduit dans le Bengale, et voulant s’assurer une protection contre ce qu’il