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Ce chiffre permet de conclure que le peuple grand-russe n’a point porté à l’ouest le même génie de colonisation qu’il a manifesté dans les vastes terrains du nord-est de l’Europe. Autant sa puissance colonisatrice a été efficace au milieu des éléments ouraliens, autant elle est demeurée faible, disons mieux, nulle parmi les populations lithuaniennes et slaves de l’ouest. Tout autre fut l’action de l’élément polonais, quoiqu’il soit numériquement inférieur à l’élément letto-slave, puisqu’il n’atteint pas 2 millions[1].

En examinant la carte, vous y apercevrez, dans le coin occidental du gouvernement de Grodno, une sorte de passage enfermé entre les eaux du Néman et du Boug. Ce fut la voie principale suivie par l’immigration polonaise, non seulement parce que la nature elle-même semblait la lui indiquer, mais encore parce qu’anciennement, une partie considérable de cette contrée avait été hypothéquée aux princes de Mazovie par les seigneurs lithuaniens. C’était au commencement du XVe siècle. Depuis ce temps surtout, l’élément polonais y jeta de profondes racines et exerça son action particulièrement sur les populations russiennes du voisinage, ainsi que le témoigne leur idiome. De là, il s’étendit sur toutes les contrées russiennes en suivant deux directions principales : l’une vers le sud-est, à travers la Volhynie et la Podolie, jusqu’aux steppes de la mer Noire ; l’autre vers le nord-est, par Vilno et la Duna, jusqu’au Dnieper, dont il descendit le cours.

Cette marche de l’immigration polonaise a donné lieu à des interprétations où les passions et la fantaisie semblent parler plus que la calme raison. La chose s’explique pourtant d’une manière bien simple. Il suffit de consulter la carte et de se rappeler que la zone du milieu, couverte d’immenses marécages et de forêts (de là son nom de Polésie)[2], n’offrait rien qui pût atti-

  1. Voir les tableaux n° I et II.
  2. Liess veut dire en russe forêt. À l’heure qu’il est, une commission est chargée d’explorer tous les terrains marécageux et d’étudier les moyens de les dessécher. Déjà elle a fait le nivellement des marécages qui longent le Pripiet dans le gouvernement de Minsk et dans une partie de la Volhynie, sur une étendue de 6,500 verstes carrées. On croit leur dessèchement très possible, dès qu’on pourra en canaliser les eaux ; l’industrie et la population de ces provinces ne tarderont pas alors