Page:Martinov - De la langue russe dans le culte catholique, 1874.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’après la même chronique, que des Russes occidentaux et méridionaux (appelés plus tard Blancs-Russiens et Petits-Russiens), qui occupaient tout le territoire des provinces actuelles de l’Ouest, sans compter le pays également russe de Novgorod[1]. Là était la véritable Russie, ayant ses deux centres principaux à Novgorod et à Kiev. On ne peut donc invoquer le droit historique en faveur de la Russie orientale ou moscovite, puisqu’alors Moscou n’existait même pas, au moins comme État. Reste le principe de nationalité ; mais celui-ci, nous l’avons vu, a été avec raison déclaré inadmissible, d’autant plus que, dans le cas présent, le slavisme des Grands-Russes est lui-même mis en question par leurs adversaires.

Nous devons entrer ici dans quelques détails. Il existe une théorie d’après laquelle les Grands-Russes appartiendraient à la race touranienne ; par conséquent, ils n’auraient rien de commun avec la nationalité éminemment slave des provinces occidentales. Cette théorie ingénieuse, dont la nouveauté a séduit quelques écrivains français, semble avoir été imaginée pour les besoins d’une cause devenue populaire en France. Elle peut satisfaire aux aspirations patriotiques de la nation polonaise et expliquer en partie ses persévérantes protestations contre l’ordre actuel des choses ; elle n’est point nécessaire à la question qui nous occupe. En effet, quand même il serait démontré que les Grands-Russiens sont d’origine touranienne, tatare ou mongole, qu’en pourrions-nous conclure au sujet du droit qu’ils s’arrogent d’introduire la langue russe dans le culte catholique, ou de s’ingérer dans des affaires ressortissant exclusivement à la juridiction de l’Église ? D’ailleurs, cette théorie est loin d’être adoptée par tous les Polonais. « La vérité est, dit M. Ladislas Mickiewicz, que personne n’accusera de tendresse à l’égard de la Russie, la vérité est que les Russes sont des Slaves, mais des Slaves dont le cœur est comme pétrifié, dont l’âme s’est mongolisée. La nation polonaise, comme Abel, est victime d’un fratri-

  1. M. Kostomarov les fait venir du sud à cause de la frappante ressemblance qu’il dit exister entre l’idiome qu’on parle à Novgorod et la langue des Petits-Russiens. La première fois qu’il a entendu parler un Novgorodien, il l’a pris pour un Petit-Russien s’efforçant de parler la langue de la Grande-Russie (Monographies et recherches historiques, t. I, p. 331, éd. de 1872).