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Russification veut dire d’abord introduction de la langue russe. Dans les vues du gouvernement, cette langue doit devenir dominante dans les provinces occidentales, comme elle l’est dans l’intérieur de l’empire, à Moscou, à Pétersbourg et partout. Langue officielle, elle doit y régner dans l’administration, dans les tribunaux, dans l’armée, dans les écoles, dans la vie privée et jusque dans le sanctuaire. De là, comme conséquence inévitable, proscription du polonais partout où on l’entend parler.

Russification signifie encore substitution de la nationalité russe à la nationalité polonaise, ainsi qu’à la civilisation qui en est le fruit naturel. Pour opérer cette substitution, deux moyens ont été choisis. Le premier est l’expropriation sur une grande échelle : des terrains immenses ont été confisqués sur les seigneurs polonais et vendus aux Russes et Allemands venus, pour la plupart, de l’intérieur de l’empire. L’autre moyen, c’est l’élimination : on éloigne les Polonais de toutes les charges publiques, que l’on confie, de préférence, aux employés à la fois russes et orthodoxes.

Enfin, la russification suppose aussi la décatholicisation du pays, l’orthodoxie étant, aux yeux des Russes, un signe distinctif de leur nationalité. De là la propagande religieuse. Toutefois, ce ne sont pas seulement des prêtres qui y prêchent l’orthodoxie grecque ; souvent ce sont encore des bureaucrates, des agents de police, des gendarmes : singuliers apôtres qui usent de tous les moyens, sauf celui de la persuasion et du raisonnement, et qui tiennent leurs pouvoirs non pas du synode, mais de l’autorité civile, aux mains de laquelle sont, en réalité, les rênes du gouvernement ecclésiastique.

Tel est le vrai sens du mot russification et l’ensemble du système décoré de ce nom.

L’introduction de la langue russe dans le culte catholique en est la phase la plus intéressante au point de vue de notre sainte religion ; mais en même temps, elle se complique d’une foule de considérations qui en rendent l’étude difficile, et dont dépendent pourtant et l’intelligence et la solution du problème que le Saint-Siège est, en ce moment, occupé, dit-on, à résoudre.

Il importe donc d’envisager la question sous toutes ses faces et de la circonscrire ; car nous voulons, avant tout, lui conserver son caractère religieux, sans jamais descendre sur le terrain