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DE LA LANGUE DE CORNEILLE

cas, la première a seule pénétré dans les rangs inférieurs de la société, et Tallemant des Réaux nous raconte, dans une anecdote impossible à reproduire ici, combien le président de Chevry[1] trouvait la seconde inquiétante dans la bouche d’une paysanne.

Quant aux réduplicatifs, on les formait, suivant le besoin, soit en parlant, soit en écrivant, et il faut tenir singulièrement à donner à Corneille un grand rôle dans la création de notre vocabulaire, pour lui attribuer rapaiser, rembraser, reflatter[2], etc. Nous n’avons pas

  1. Historiettes, tome I, p. 426.
  2. On pourrait noter chez les tragiques antérieurs à Corneille un grand nombre de réduplicatifs qu’il n’a pas imités, et qui sont aujourd’hui complètement hors d’usage. Nous nous contenterons de quelques exemples :

    Raller :

    Sans travail les biens à foison
    Sont apportés en ma maison,
    Biens, je dy, que jamais n’acquirent
    Les parents qui naistre me firent,
    Et qui ainsi donnez me sont
    Qu’à mes héritiers ne revont.

    (Iodelle, l’Eugène, I. 1.)

    Raveugler :

    Ore il cognoist sa faute, et ore
    Sa peine le raveugle encore
    Fuyant sa guarison.

    (Iodelle, Didon, fol. 290, vo.)

    Redélivrer :

    … Qu’un Brute puisse renaistre
    Courageusement exité,
    Qui des insolences d’un maistre
    Redelivre nostre cité.

    (Garnier, Cornélie, II, 379.)

    Refourmiller, reguerir :

    Ta raison première
    Débrouillant les poisons de ta belle sorcière,
    Reguerit ton esprit, et lors de toutes pars
    Tu fais refourmiller la terre de soldars.

    (Garnier, Antoine, I, 81.)