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DE LA LANGUE DE CORNEILLE

Grâce à ce procédé, le plus simple et le plus scientifique en même temps, les tournures reprochées à nos auteurs classiques, et considérées à tort comme des exceptions et des licences, témoignent, par leur nombre même, d’un usage fréquemment répété, dont il est facile de déduire des règles très différentes des nôtres, mais souvent plus logiques et toujours appliquées d’une façon aussi sûre et aussi constante.

Après quelques études de ce genre faites sur nos principaux écrivains, on possédera les matériaux nécessaires pour entreprendre une véritable grammaire française historique, remontant aux origines mêmes de la langue, indiquant les diverses habitudes suivies par ceux qui l’ont successivement parlée, signalant l’époque où elles se formulent en préceptes, le court instant où les grammairiens et les auteurs paraissent d’accord, et les circonstances qui rompent cette passagère harmonie : œuvre immense par les travaux qu’elle demanderait, mais aussi par ses conséquences ; où les principes de la grammaire générale, présentés au début, répandraient sur tout le livre une heureuse clarté, sans être nulle part opposés comme un obstacle aux vives allures et aux libertés de notre idiome ; où les opinions les plus diverses, les plus contradictoires, les archaïsmes du peuple et les scrupules des délicats, trouveraient leur éclaircissement et leur conciliation, à l’aide d’études chronologiques donnant tort à tous en général, et raison à chacun à un certain moment et à une date déterminée ; dans laquelle aussi, comme conclusion et comme résultat définitif, on chercherait à établir les règles du langage moderne, strictes et rigoureuses pour les matières administratives et judiciaires, plus flexibles pour la conversation et la correspondance, plus larges encore pour l’écrivain et le poète, qu’elles doivent guider sans jamais l’assujettir.