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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

Entre ces deux partis Calchas s’est avancé,
L’œil farouche, l’air sombre, et le poil hérissé.

La Fontaine nous fournit un assez grand nombre d’exemples d’un emploi analogue de ce mot :

Taille, visage, traits, même poil[1].

Le jour venu, le roi vit ses garçons
Sans poil au front........[2].


La vieille, à tous moments, de sa part emportoit
Un peu du poil noir qui restoit,
Afin que son amant en fût plus à sa guise.
La jeune saccageoit les poils blancs à son tour.
Toutes deux firent tant que notre tête grise
Demeura sans cheveux, et se douta du tour.
Je vous rends, leur dit-il, mille grâces, les belles
Qui m’avez si bien tondu[3].

Si nous avons cité en entier ce charmant passage, c’est afin de recueillir en passant cette acception, encore usitée, du mot tondu appliqué en plaisantant à l’homme, et surtout pour faire observer avec quel art infini le poète emploie ici tête grise dans le sens propre et dans le sens figuré tout à la fois.

Dans une autre de ses fables, La Fontaine parle de Phébus aux crins dorés[4]… C’est encore un souvenir des écrivains du xvie siècle. Les poètes de la Pléïade, en particulier, fournissent à chaque instant des exemples de cette locution.

Au reste, si La Fontaine se sert parfois, en parlant des personnes, des termes qui ne s’emploient d’ordinaire que lorsqu’il est question des animaux, il lui arrive encore plus souvent d’appliquer aux animaux ceux qui sont réservés pour les personnes. On trouve dans les Réflexions sur l’usage présent de la langue françoise

  1. Liv. IV. c. VIII, 247.
  2. Liv. II, c. IV, 133.
  3. Liv. I, fab. xvii, 18.
  4. Liv. V, fab. vi, 6.