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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE


Les grâces, les amours, voilà fait à peu près.
— Vous pourrez dire encore les charmes, les attraits,
Les appas. — Et puis quoi ? — Cent et cent mille choses.
Je ne vous ai conté ni les lis, ni les roses ;
On n’a qu’à retourner seulement ces mots-là[1].


Les passages précédents, scrupuleusement collationnés sur les éditions originales par un de nos amis, dont les connaissances bibliographiques viennent en aide à bien des travaux[2], établissent qu’au singulier La Fontaine écrivait appast, quand ce mot était employé au propre, et appas lorsqu’il avait un sens figuré. Notre auteur, il est vrai, n’observe point cet usage quand il écrit : « Ils goberont l’appast » ; mais ici l’expression est si vive et met si bien la chose sous les yeux, qu’elle cesse en quelque sorte d’être métaphorique.

L’habitude d’écrire appas au singulier, lorsque ce mot est employé figurément, n’est point particulière à La Fontaine. M. Génin, dans son Lexique de Molière, en a cité des exemples. Cette coutume établie, il était tout naturel qu’il en fût de même au pluriel.

Dans ce passage :

Les spectacles, les dons, invincibles appas.
Vous attiroient les cœurs du peuple et des soldats[3].

Racine a mieux aimé se conformer à l’usage général que de rimer pour les yeux en même temps que pour l’oreille.

Enfin, on écrivait souvent appas, au pluriel, même lorsque ce mot était employé au propre, et cela sans doute afin d’éviter appasts qui avait quelque chose d’un peu choquant pour l’œil.

… Ce blé couvroit d’un las,
Les menteurs et traîtres appas[4].

  1. Clymène, 462.
  2. Voyez : Catalogue de M. Walckenaer, no 1343.
  3. Britann., acte IV, sc. ii, 55.
  4. Liv. IX, fab. ii, 39.