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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

langage qui ne peut être compris que de quelques-uns.

Croit-on que ce ne soit pas sans étonnement, ni même parfois sans une sorte d’appréhension, que les habitants de quelque petit hameau perdu lisent à la porte de la chaumière de Monsieur le maire qu’ils vont être convoqués dans leurs comices ? et l’administration n’aurait-elle point tout avantage à parler une langue plus simple et plus généralement compréhensible ?

On s’étonne qu’à intelligence à peu près égale, un homme ignorant ait plus d’action sur les masses qu’un autre qui lui est supérieur en instruction.

Cela provient de causes très complexes. Mais une des principales est assurément que ce harangueur improvisé parle avec d’autant plus d’aisance la langue du peuple qu’il n’en connaît point d’autre, tandis qu’un orateur de profession ne se doute même pas de l’immense distance qui sépare ce langage du dialecte propre aux gens lettrés, et n’essaye point, par conséquent, de faire la difficile séparation, le laborieux triage, qui rendrait sa parole claire pour tous, et empêcherait seul que le discours le plus populaire, quant à l’intention, fût, en fin de compte, un morceau fort aristocratique.

XIV

L’étude historique de notre langue, la détermination rigoureuse du moment où chaque forme nouvelle se produit, la constatation précise des lois de permutation des lettres font aujourd’hui de l’étymologie une science