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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

xvie siècle ; les Précieuses enfin, dont le jargon, si ridiculisé, est encore imparfaitement connu et mérite un examen sérieux et sincère ; tels sont les artisans divers, architectes ou manœuvres, qui ont contribué, chacun pour sa part, et dans une mesure bien différente, à élever cet impérissable monument : la langue française du xviie siècle.

Le xviiie siècle éclaircit la phrase et la dégage de ses moindres obscurités, de ses plus petites incertitudes, non sans l’énerver et l’appauvrir ; il introduit dans le langage la philosophie, qui en enlève la poésie. Les sciences enrichissent le vocabulaire de quelques termes nouveaux, de certaines expressions heureuses ; mais le néologisme érigé en système et la phraséologie politique et révolutionnaire achèvent de le corrompre.

Comment parler du xixe siècle, qui, par bonheur, n’a pas dit encore son dernier mot ?

Sous le premier Empire, la langue timide et appauvrie se borne pendant quelques années à l’imitation mesquine de nos classiques du xviie siècle compris d’une façon étroite et fausse.

La Restauration voit surgir toute une génération d’écrivains et de poètes qui répudient l’époque classique de notre littérature, croient ressusciter le Moyen-Âge en imitant la Renaissance et copient les Anglais et les Allemands sous prétexte d’art national.

Il y avait là toute une armée vaillante et résolue. Elle n’avait qu’un tort : celui de ne savoir où elle allait ; aussi n’est-elle arrivée nulle part, mais elle a parfois semé des chefs-d’œuvre sur son chemin. On ne saurait nier, sans injustice, que notre langue se soit alors singulièrement enrichie et renouvelée : on forgeait des mots, on en reprenait dans les siècles passés, on en importait du dehors, tout n’était pas or dans ces richesses, il y avait