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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

Quelquefois aux appas d’un hameçon perfide,
J’amorce en badinant le poisson trop avide[1].


On trouve dans le Dictionnaire de Furetière, qui a paru en 1690, l’article suivant, beaucoup plus juste et plus clair que tous ceux qu’on a faits depuis sur le même sujet :

« Appast, ce qu’on met à un hameçon pour y attirer le poisson. Nicod dérive ce mot de pastusAppast se dit figurément des choses morales, de ce qui sert à attraper les hommes, à les inviter à faire quelque chose. La gloire est un grand appast pour les braves. La beauté est un grand appast pour engager le cœur des hommes. Cette femme est pleine de charmes et d’appasts. La vie solitaire a ses appasts et ses charmes. En ce sens on a accourci le mot, et dit appas au lieu d’appasts. »

L’Académie de 1694 n’aborde ce terme qu’avec une certaine hésitation. Après l’avoir renvoyé à la racine paître, elle le rejette dans le supplément du premier volume de son Dictionnaire. La définition diffère peu de celle de Furetière, mais appas a déjà son paragraphe spécial. En en faisant un mot à part, il a fallu lui trouver un sens propre ; par malheur, on a choisi, pour en tenir lieu, l’acception la plus éloignée de sa signification étymologique.

« Appas, s. m. pl. Il se dit principalement des attraits, des charmes, des agréments extérieurs d’une femme. Cette femme a des appas. Être séduit par les appas d’une femme. Il se dit figurément de certaines choses qui attirent, qui séduisent, qui excitent le désir. Les appas de la volupté. »

Quelques lignes plus bas, dans l’article appât, on trouve l’explication suivante : « Il se dit figurément de tout ce qui attire, qui engage à faire quelque chose. L’appât du gain… » À coup sûr, le lecteur peu lettré

  1. Épître, VI, 29.