Page:Marty-Laveaux - Études de langue française, 1901.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

Notre poète, qui sait profiter de tout pour donner du mouvement à son style, se sert très volontiers de ces locutions. Il lui arrive de comparer une jeune fille à une place de guerre[1], de nommer l’amant l’assiégeant[2], de nous le représenter changeant de batterie[3] ; il parle de l’artillerie de Cupidon[4], de Caliste l’inexpugnable, dont la chasteté plia[5], et de l’enfant qui fait des brèches dans les cœurs[6]. Dans un de ses contes, il nous peint deux soupirants ravis d’être introduits dans la maison de leur belle et

croyant ville gagnée[7].

Enfin il écrit à Mme  d’Hervart :

Je pourrois bien quelque jour
Laisser mon cœur en otage[8].

Il considère les grandes réunions comme de véritables champs de batailles pour les dames. « Je dirai en passant que l’offense la plus irrémissible parmi ce sexe, c’est quand l’une d’elles en défait une autre en pleine assemblée[9] ». D’après cela, on doit trouver tout naturel qu’il dise d’une femme qu’elle va en conquête[10], et qu’il emploie, dans un sens analogue, conquérante[11], que l’Académie n’indique pas avec cette signification.

Dans le passage suivant, les disputes des amants

  1. Liv. III, c. II, 283.
  2. Liv. IV, c. XV, 56.
  3. Liv. III, c. IV, 297.
  4. Liv. II. c. V, 170.
  5. Liv. III, c. IV, 305.
  6. Daphné, acte I, sc. iii, 21.
  7. Liv. III, c. III, 67.
  8. 1691, tome II, p 757.
  9. Psyché, liv. I. tome I, p. 359.
  10. Liv. IV, fab. iii, 18.
  11. Psyché, liv. I, tome I, p. 385.