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ADOLPHE NOURRIT.




Nourrit (Adolphe), artiste de l’Académie royale de Musique, professeur au Conservatoire, naquit à Montpellier en 1802. Son père, qui exerçait alors le commerce dans cette ville, s’ennuya d’une profession à laquelle il ne se sentait point appelé : un musicien d’un talent distingué avec lequel il était intimement lié, l’ayant entendu chanter dans une réunion musicale, fut si émerveillé de la pureté et de la suavité de sa voix, qu’il lui conseilla sincèrement d’utiliser ce don inappréciable, comme pouvant lui offrir dans la capitale les chances d’un brillant avenir. Nourrit père, qui était encore fort jeune, suivit aveuglément les conseils de son ami : il réalisa les fonds de son commerce et vint habiter Paris avec sa famille. A son arrivée, son premier soin fut de s’occuper activement de l’éducation de son fils ; il plaça Adolphe comme pensionnaire au collège de Sainte-Barbe, où il ne tarda pas à se faire remarquer par de rapides progrès.

Nourrit se présenta ensuite au Conservatoire (qui venait d’être récemment institué) ; il reçut des divers professeurs auxquels il était recommandé l’accueil le plus favorable ; mais lorsqu’après quelques heureux essais ils eurent apprécié tout le charme de sa voix, ils lui avouèrent franchement que, après de sérieuses études, il pouvait prétendre à l’un des premiers emplois du grand Opéra. Enfin, après quelques mois de leçons assidues comme acteur et comme chanteur, il fut admis a débuter sur notre grande scène lyrique.

Ses débuts furent très-brillants, contre l’usage reçu alors à l’Opéra, où les débutants paraissaient et disparaissaient sans conséquence ; mais Nourrit, qui possédait, ce qui était fort rare à cette époque, une voix de ténor bien prononcée, obtint le plus grand succès, notamment dans le rôle d’Orphée.

Quelques années après, le jeune Adolphe Nourrit, ayant terminé ses études, devint l’élève de son père et se disposa à lui succéder dans la carrière théâtrale. Son admiration pour les grands artistes et principalement pour Talma, l’engagea dans des études approfondies de l’art du comédien ; homme de goût, d’esprit et d’érudition, il sentait que pour être le digne successeur de son père et ne pas déchoir du premier rang, il fallait sans cesse interroger l’art et lui dérober de nouveaux secrets. Ce fut avec de pareilles dispositions qu’il débuta sur le théâtre où son père avait eu de nombreux succès, par les mêmes rôles et (exactement) le même timbre de voix. Tous les rôles qu’il établit furent pour lui autant d’occasions de triomphes : Masaniello, Robertle-Diable, Don Juan, Raoul, Stradella, le Comte Ory ; tous les personnages enfin que Nourrit a représentés soit dans l’ancien répertoire, soit dans le nouveau, sont demeurés comme des types d’exacte observation et de vérité toujours appropriée aux caractères.

Ce qui distinguait encore le talent de Nourrit, c’était une science profonde des combinaisons dramatiques. L’air du 4me acte de la Juive « Rachel, quand du Seigneur » n’existait pas dans la partition : ce fut Nourrit qui remédia de lui-même à ce défaut, et si tous les vers ne sont pas de lui, au moins la stretta « Fille chère » est sa propriété. Il en est de même du 4me acte des Huguenots : le duo final, ce morceau capital d’un acte dont chaque partie est un chef-d’œuvre appartient encore à Nourrit. Il avait au plus haut degré le sentiment de la scène et jugeait d’avance quand le terrain était