Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/180

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On ne doit pourtant pas se laisser tromper par l’ouragan qui suit une grande philosophie, une philosophie du monde.

Qui ne reconnaît pas cette nécessité historique est logiquement contraint de nier qu’en général, après une philosophie totale quelle qu’elle soit, des hommes puissent encore vivre, ou alors il doit tenir la dialectique de la mesure comme telle pour la plus haute catégorie de l’esprit qui se sait, et affirmer avec quelques-uns de nos hégéliens qui comprennent mal Hegel que la médiocrité est le phénomène normal de l’esprit absolu. Mais une médiocrité qui se donne pour le phénomène régulier de l’absolu est elle-même tombée dans l’absence de mesure, en l’espèce la démesure dans la prétention. Sans cette nécessité, on ne saurait concevoir la venue au jour, après Aristote, d’un Zenon, d’un Epicure, voire d’un Sextus Empiricus, et après Hegel celle des pauvres tentatives, pour la plupart sans fondement, des philosophes récents.

Les êtres de demi-mesure ont, à de telles époques, le point de vue inverse des capitaines tout d’une pièce. Ils croient pouvoir réparer le dommage en diminuant les forces, en les éparpillant, en signant un traité de paix avec les nécessités réelles, tandis que Thémistocle, quand Athènes fut menacée d’être dévastée, poussa les Athéniens à l’abandonner tout à fait, et à fonder sur mer, sur un autre élément, une nouvelle Athènes.

Nous ne devons pas non plus oublier que l’époque qui suit de telles catastrophes est une époque de fer, heureuse quand des combats de titans la marquent, lamentable quand elle ressemble aux siècles qui suivent clopin-clopant de grandes époques artistiques, car ces siècles se contentent de mouler dans la cire, le plâtre et le cuivre ce qui a jailli du marbre de Carrare, tout comme Pallas Athéna de la tête de Zeus, le père des dieux. Mais elles sont titanesques, ces époques qui succèdent à une philosophie totale en soi et à ses formes de développement subjectives, car gigantesque est la dissension qui est leur unité. Ainsi vient Rome après les philosophies stoïcienne, sceptique, épicurienne. Ces phi-