Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/227

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c’est son avantage sur tous de savoir avec conviction[1]. « Tous les sens sont des hérauts du vrai[2] » « Il n’y a rien qui puisse réfuter la perception sensible ; ni le semblable le semblable à cause de leur validité semblable, ni le dissemblable le dissemblable car ils ne jugent pas de la même chose, ni le concept, car le concept dépend des perceptions sensibles[3] », lit-on dans le canon. Mais tandis que Démocrite réduit le monde sensible à l’apparence subjective, Epicure en fait un phénomène objectif. Et c’est sciemment qu’il se différencie sur ce point, car il affirme partager les mêmes principes, mais ne pas faire des qualités sensibles de simples objets de l’opinion[4].

S’il est donc vrai que la perception sensible fût le critérium d’Epicure et que le phénomène objectif y correspond, on ne peut que considérer comme exacte la conséquence qui fait hausser les épaules à Cicéron. « Le soleil apparaît grand à Démocrite parce qu’il est un savant et un homme versé dans la géométrie ; il apparaît à Epicure d’environ deux pieds de diamètre, car il juge qu’il est aussi grand qu’il paraît[5]. »


B) Cette différence dans les jugements théoriques de Démocrite et d’Epicure sur la certitude de la science et la vérité de ses objets se réalise effectivement dans la disparité de l’énergie et de la pratique scientifique de ces hommes.

Démocrite, pour qui le principe n’entre pas dans le phénomène, reste sans effectivité et sans existence, a par contre en face de lui le monde de la perception sensible comme monde réel (real) et consistant. Ce monde est bien une apparence subjective, mais par là même, détachée du principe et laissée dans sa réalité indépendante ; mais il est en même temps l’unique objet réel (reales Objekt) et il a comme tel valeur et signification. C’est pourquoi Démocrite est poussé

  1. . Plut. 1117, 19.
  2. . Cic. de nai. deorum I, XXV 70 ; cf. de fin. 1, VII 22 ; Pseudoplut. 899 F.
  3. . Diog. X 31 sq.
  4. . Plut. 1111, 8.
  5. . Cic. de fin. I, VI 20 ; cf. Pseudoplut. 890 C.