Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

même homme qui, comme dit Cicéron, avait parcouru la moitié du monde. Mais il n’avait pas trouvé ce qu’il cherchait.

Une figure tout opposée nous apparaît avec Epicure.

Epicure trouve sa satisfaction et sa félicité dans la philosophie. « C’est la philosophie », dit-il, « que tu dois servir, afin que la véritable liberté t’échoie. Il n’a pas à attendre, celui qui s’y est soumis et donné ; il est aussitôt émancipé. Car c’est cela même, servir la philosophie, qui est la liberté[1]. » « Que le jeune homme, enseigne-t-il de ce fait, n’hésite pas à philosopher, et que le vieillard ne renonce pas à philosopher. Car nul n’est trop vert, nul n’est trop mûr, pour avoir une âme en bonne santé. Mais celui qui dit que le temps de philosopher n’est pas encore là, ou que ce temps est passé, il est semblable à celui qui prétend que le temps d’être heureux n’est pas encore venu ou qu’il est passé[2]. » Tandis que Démocrite, insatisfait par la philosophie, se jette dans les bras du savoir empirique, Epicure méprise les sciences positives[3] ; car elles ne contribuent en rien à la perfection véritable. On l’appelle un ennemi de la science, un contempteur de la grammaire[4]. On le taxe même d’ignorance ; « mais », dit un épicurien chez Cicéron, « ce n’était pas Epicure qui manquait d’érudition ; au contraire, les ignorants sont ceux qui croient que ce qu’il est honteux pour un enfant de ne pas savoir, le vieillard doit encore le ressasser[5]. »

Mais, tandis que Démocrite cherche à s’instruire auprès des prêtres égyptiens, des Chaldéens de la Perse et des gymnosophistes indiens, Epicure se vante de n’avoir pas eu de maître, d’être autodidacte[6]. Certains, dit-il d’après Sénèque, aspirent à la vérité sans la moindre aide. C’est dans les rangs de ceux-ci qu’il s’est lui-même frayé son

  1. . Sen. ep. 8.
  2. . Diog. X 122 ; cf. Clem. Al. strom. IV 8, 69, 2 sq.
  3. . Sext Emp. ibid. 1 1.
  4. . Ibid. I 49.272 ; cf. Plut, de eo quod 1095, 13.
  5. . Cic. ibid. I, XXI 72.
  6. . Diog. X 13 ; Cic. de nat. deorum I, XXVI 72.