Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/248

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bien est la fuite devant le mal[1], et le plaisir est la déviation de la peine[2]. Enfin, là où la singularité abstraite apparaît dans sa liberté et dans son indépendance les plus hautes, l’être-là dont on dévie est logiquement tout être-là ; c’est pour cela que les dieux dévient du monde, ne s’en soucient pas, et habitent en dehors de lui[3].

On a raillé ces dieux d’Epicure, qui, semblables aux hommes, habitent dans les intermondes du monde réel, n’ont pas de corps, mais un quasi-corps, n’ont pas de sang, mais un quasi-sang, et, demeurant dans un repos bienheureux, n’exaucent aucune supplication, ne se soucient ni de nous ni du monde et sont honorés pour leur beauté, leur majesté, leur nature excellente, et non par intérêt[4].

Et pourtant, ces dieux ne sont pas une invention d’Epicure. Ils ont existé. Ce sont les dieux plastiques de l’art grec. Cicéron, le Romain, a raison de les persifler[5] ; mais le Grec Plutarque a oublié toute conception grecque quand il estime que cette doctrine touchant les dieux supprime la crainte religieuse et la superstition, qu’elle ne donne aux dieux ni joies ni faveurs, mais nous prête avec eux la même relation que nous avons avec les poissons d’Hyrcanie, dont nous n’attendons ni dommage ni profit[6]. Le calme contemplatif est un moment fondamental du caractère des divinités grecques, comme le dit Aristote lui-même : « Ce qui est le meilleur n’a pas besoin d’action car il est lui-même son propre but[7]. »

Nous allons maintenant considérer la conséquence qui suit immédiatement de la déclinaison des atomes. En elle est exprimé que l’atome nie tout mouvement et toute relation où il est déterminé comme un être-là particulier par un autre. Cela se présente de telle sorte que l’atome fait abstrac-

  1. . Plut, de eo quod 1091, 7.
  2. . Clem. Al. Strom. II 21, 127, 1.
  3. . Sen. de benef. IV.
  4. . Cic. de nat. deorum, I, XXIV, 68.
  5. . Ibid. XL 112 et XLI 115 sq.
  6. . Plut. ibid. 1100 sq, 20.
  7. . Arist. de caelo 292 b.