Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/282

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aux stoïciens n’explique rien. Leur superstition et l’ensemble de leur opinion étaient déjà contredites du fait que les corps célestes étaient donnés comme des compositions fortuites d’atomes, et leurs processus comme des mouvements fortuits de ces mêmes atomes. Leur nature éternelle était donc détruite — conséquence que Démocrite s’est contenté de tirer de cette prémisse[1]. Bien plus, leur existence elle-même était ainsi supprimée[2]. L’atomiste n’avait donc pas besoin d’une méthode nouvelle.

Mais ce n’est pas encore toute la difficulté. Une antinomie plus énigmatique surgit.

L’atome est la matière dans la forme de l’autonomie, de la singularité, en quelque sorte la représentation de la pesanteur. Mais la plus haute réalité de la pesanteur, ce sont les corps célestes. En eux sont résolues toutes les antinomies entre forme et matière, entre concept et existence, qui constituaient le développement de l’atome ; en eux sont réalisées toutes les déterminations qui étaient exigées. Les corps célestes sont éternels et non soumis au changement ; ils possèdent en eux-mêmes et non hors d’eux-mêmes, leur point de gravité ; leur unique acte est le mouvement, et, séparés par l’espace vide, ils déclinent de la ligne droite, forment un système de répulsion et d’attraction, dans lequel ils conservent tout autant leur autonomie, et, enfin, ils produisent d’eux-mêmes le temps comme la forme de leur apparition. Les corps célestes sont donc les atomes devenus effectivement réels. En eux, la matière a reçu en elle-même la singularité. C’est donc dans les corps célestes qu’Epicure aurait dû apercevoir l’existence la plus haute de son principe, le sommet et le point ultime de son système. Il prétendait supposer les atomes pour mettre à la base de la nature des fondements immortels. Il prétendait ne s’occuper que de la singularité substantielle de la matière. Mais quand il trouve au bout du compte la réalité de sa conception de la nature — car il ne connaît pas d’autre nature que la nature

  1. . Arist. ibid. 279 b.
  2. . Ibid.