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— le moment formel : la déclinaison, l’affirmation de l’être pour soi singulier, l’arbitraire, le hasard, la possibilité formelle, l’ataraxie de la conscience de soi abstraite-singulière, le monde comme projection de cette conscience dans la nature.

Démocrite s’en tient au premier moment, Épicure accentue le second et affronte leur contradiction. Cette contradiction dans l’essence se traduit par une contradiction dans la théorie : en vertu du principe atomistique, les deux mouvements contradictoires devraient s’incarner dans deux être-là distincts ; il devrait donc y avoir deux sortes d’atomes. Rejeter la déclinaison dans un temps et un lieu indéterminés revient, de la part d’Épicure, à masquer cette contradiction.

La déclinaison définit donc le principe de la philosophie d’Épicure, au sens le plus fort du terme : ce principe est l’atome dans son concept achevé (dans ses deux moments). En tant que principe, l’atome est présupposé. Ce qui met la déclinaison à l’abri de tout reproche, c’est qu’elle est posée nécessairement dès que l’on fait de l’atome, dans son concept, un principe et un point de départ non critiqué. L’atome affirme donc la conscience de soi abstraite-singulière qui s’oppose au monde concret, au niveau du pur être pour soi. Cet être pour soi singulier est incapable d’idéaliser l’être-là qui s’oppose à lui et donc de le supprimer dialectiquement pour affirmer l’union médiate du rationnel et du réel. L’être pour soi ne peut donc que faire abstraction de cet autre être-là, en dévier. Ce principe est l’essence unique de la philosophie d’Épicure. Il est présent à tous ses niveaux et à tous ses développements : à l’atome de la physique correspond l’ataraxie qui voit le sage dévier de la douleur et les dieux habiter hors du monde.

La répulsion est dans l’ordre du concept la conséquence de la déclinaison, et non l’inverse, comme le croit Cicéron. C’est quand on se contente de juxtaposer les deux mouvements que les paradoxes surgissent, mais le philosophe comprend que la répulsion est la vérité et la réalisation