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Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/53

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monde phénoménal reste fondamentalement distinct du monde atomistique : on n’y trouve que des compositions, c’est-à-dire des agrégats où les atomes se rapportent les uns aux autres. Ces compositions ne sont possibles que par la qualification des atomes. Or, l’atome qualifié est l’opposé de l’atome conceptuel.

La composition, comme « forme passive de la nature concrète », exprime la matérialité de l’atome dans le monde du phénomène. Par opposition à celle-ci, le temps est la « forme active » du phénomène, l’accident de l’accident, « l’anéantissement et le retour à l’existence pour soi de tout être-là déterminé ». La contradiction tombe donc entre temps et composition, à l’intérieur du monde phénoménal. Le phénomène est ainsi pensé comme phénomène, c’est-à-dire comme apparition d’un idéel, il révèle son être-phénomène. Le temps, en détruisant le phénomène, lui imprime le sceau de l’absence de l’être. Il est la réflexion du phénomène en soi-même. Comme les autres moments, le temps est substantifié comme être particulier : la sensibilité humaine. C’est ce qui justifie le fait que cette sensibilité est prise comme critérium réel de la nature concrète. L’épicurisme est donc, contrairement à la doctrine de Démocrite, une philosophie du temps. Mais le temps sert avant tout à ramener le phénomène à l’atome.

L’apparition des choses à la sensibilité — par la théorie des simulacres — est la même chose que leur temporalité. Les simulacres ont leur être-sensible hors d’eux-mêmes, dans les corps dont ils sont la forme. Sitôt séparés, ils périssent ; l’apparition du corps est déjà le processus de sa perte. La nature sensible est ainsi l’objectivation de la conscience empirique, comme l’atome était la projection de la conscience singulière-abstraite.

L’analyse de la théorie des Météores, qui clôt la Dissertation, est l’occasion pour Marx de vérifier et de développer son principe de lecture en déroulant jusqu’au bout la contradiction principale, celle qui gît dans le Principe d’Épicure lui-même. Épicure s’oppose en effet à toute la tradition grec-