Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/77

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conteste le caractère médiat (au sens où seul le concret matériel est médiat). Au sens strict, la synthèse hégélienne des deux moments est une pure production de la pensée, donc une production imaginaire et illusoire. Rien de réel ne distingue l’union des moments de leur opposition, si bien que la conscience du savoir absolu est en définitive une conscience immédiate et qu’elle est ramenée à l’abstraction philosophique de Bauer. Les philosophies de Bauer et de Strauss sont, on l’a vu, identiques dans leur caractère abstrait et unilatéral, et elles expriment chacune l’essence de la philosophie en général et de celle de Hegel en particulier. C’est pour cela que Marx peut écrire que l’union des deux moments est « nécessairement contradictoire », car ils expriment, sous travesti métaphysique, le monde concret, dont la réalité repose sur la médiation réelle et objective de l’homme et de la nature. On lit dans les Manuscrits de 1844, à propos de Hegel : « On obtient comme résultat du mouvement l’identité de la conscience de soi et de la conscience, le savoir absolu, le mouvement de la pensée abstraite qui ne se fait plus en direction de l’extérieur, mais seulement au-dedans d’elle-même, c’est-à-dire qu’on obtient pour résultat la dialectique de la pensée pure.[1] » A l’égard du monde concret, l’identité médiate du savoir absolu et l’identité immédiate de la philosophie de Bauer sont ramenées à une seule aliénation : celle de la philosophie comme telle. Dans les Manuscrits de 1844, Marx étend donc à Hegel lui-même sa condamnation de Bauer. Le savoir absolu implique… que la conscience — le savoir — en tant que savoir — la pensée en tant que pensée — prétend être immédiatement l’autre de soi-même, prétend être le monde sensible, la réalité, la vie[2] ».

  1. . Manuscrits de 1844, traduction E. Bottigelli, Editions Sociales, p. 132.
  2. . Ibidem, p. 140.